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Réforme de l’industrie sucrière : « Il est important de repenser en profondeur le secteur sucrier. »

Réforme de l'industrie sucrière

Au cours d’un entretien exclusif avec Business Magazine, Nicolas Maigrot, CEO du groupe Terra, partage sa vision sur une restructuration jugée nécessaire de l’industrie sucrière mauricienne.

L’étude de faisabilité de la Banque mondiale sur la réforme de l’industrie sucrière mauricienne était attendue début 2020, mais sa réalisation a été freinée par la pandémie de la Covid-19. Quelles sont les retombées de ce retard sur l’industrie et ses acteurs ?

Le coronavirus a effectivement occasionné un retard au niveau des consultations avec la Banque mondiale, qui s’est répercuté sur la date de soumission du rapport final. Celui-ci sera présenté en fin d’année 2020.

Les échanges avec les différentes parties prenantes ont commencé via des visio-conférences dans le but d’activer les réflexions sur ce sujet vital pour le pays, et avec l’objectif ultime d’assurer la pérennité de ce pilier économique. En parallèle, une présentation a également été faite par Nodalis sur la valorisation de la bagasse. De ces premiers échanges, un consensus émerge entre le gouvernement et les différents opérateurs : la bagasse n’est pas rémunérée à sa juste valeur aujourd’hui, une revalorisation doit donc être actée.

Il est de plus en plus nécessaire d’aboutir à une proposition sur un « biomasse framework » dans lequel la bagasse et la paille de canne seraient revalorisées. Cela permettra de donner une meilleure visibilité à l’industrie et facilitera les plans d’investissements des secteurs agricole et sucrier. Un retard important a eu lieu pour assurer la replantation, dû principalement à un manque au niveau financier.

Parmi les mesures nécessaires pour soutenir le redéveloppement du secteur, il est important que le montant dû aux autres catégories de planteurs, relatif au prix de la bagasse, soit réglé : cela permettra aux principaux acteurs de l’industrie de respirer.

Vous êtes en première ligne des consultations avec les techniciens du groupe de la Banque mondiale pour élaborer la vision de cette réforme. Avez-vous l’impression que l’on avance dans la bonne direction, et que les enjeux du secteur ont été entendus ?

Il est important de repenser en profondeur le secteur sucrier. Dans ce contexte, la Banque mondiale est un partenaire de choix en regard de son expertise et de sa capacité à apporter une vision extérieure des enjeux et opportunités. Son expertise repose sur des modèles de prévision pour aider à une refonte du système : c’est un atout de taille pour le pays. Il est cependant nécessaire d’adopter une démarche holistique pour prendre en compte tous les paramètres et de travailler en synergie avec les parties prenantes impliquées. Nous sommes confiants sur l’issue positive de ces démarches, et des décisions qui permettront de revaloriser et même dynamiser ce pilier sur lequel le pays s’est construit.

Comment accueillez-vous les résultats initiaux des recherches, partagés avec les opérateurs du secteur, et « l’approche innovante » avalisée par le gouvernement mauricien pour envisager l’avenir de ce pilier ?

La Banque mondiale en est encore à un stade préliminaire de son intervention. Les nombreuses consultations avec les parties prenantes amèneront plus de visibilité sur les prochaines étapes. Cette approche implique un long travail, des consultations régulières et une avancée commune. La Banque mondiale s’appuie sur un certain nombre de rapports existants et dont les analyses et recommandations débouchent vers des conclusions similaires.

Il existe une perception selon laquelle l’industrie sucrière est un segment qui reçoit de nombreuses subventions. Mais la réalité est que c’est plutôt l’industrie sucrière qui contribue de manière significative au soutien d’autres secteurs clés, comme l’énergie par exemple.

Y a-t-il consensus sur la protection complète du marché local contre les importations des sucres à prix préférentiels, une augmentation de la production de sucres spéciaux, ou la diversification des marchés d’exportation des sucres mauriciens ?

Il y a un commun accord sur l’idée que le pays doit augmenter sa production de sucres spéciaux. Cette démarche permet à tous les planteurs et producteurs de bénéficier d’une prime additionnelle, tout en sachant que cette augmentation ne peut qu’être graduelle, étant sur un marché niche.

La diversification des marchés d’exportation est une question sans cesse débattue au sein du Syndicat des Sucres pour trouver des pays qui seront de nouveaux relais de croissance pour le secteur, et permettront de ce fait d’obtenir de meilleures primes. Nous comptons beaucoup sur l’exportation en Chine, pour laquelle nous attendons toujours la ratification du traité permettant d’exporter nos sucres spéciaux à des tarifs préférentiels.

Dans le cadre d’une stratégie visant à améliorer les revenus des producteurs, nous prônons de vendre une partie de la production locale sur notre marché – décision qui, par ailleurs, pourrait être une bonne solution pour favoriser le « made in Moris » et réduire l’impact carbone de nos exportations. Il convient cependant, pour cette stratégie, de prendre en considération le fait que la consommation annuelle de sucre à Maurice approche les 35 000 tonnes, soit environ 10% de notre production nationale.

Comment s’annoncent la récolte et la production sucrière pour l’année 2020 ?

Nous avons réussi à nous adapter aux contraintes et défis posés par la période de confinement. Nous avons été en mesure de finaliser les préparatifs de la coupe ainsi que des usines malgré les délais serrés – un exemple de plus de l’efficacité et de l’adaptation des acteurs du secteur dans un contexte inédit. La coupe se poursuit, et les prévisions restent sur une production d’environ 300 000 tonnes de sucre au niveau du pays.

Ce taux de production est cependant menacé par de nombreux incendies, le plus souvent volontaires. Depuis le début de la coupe, plus de 500 hectares de cannes dans le Nord ont été brûlés. Nous avons donc dû réorienter la coupe pour limiter les pertes. Ces incendies sont un réel problème pour l’industrie et des solutions doivent être trouvées pour y remédier.

Selon le Lead Agricultural Economist de la Banque mondiale, le service de conseil pourrait également servir de déclencheur pour une transformation plus large et profonde de l’industrie sucrière, mais aussi des secteurs agricole et énergétique. Vos commentaires ?

La décision de débuter une collaboration avec la Banque mondiale n’est que l’étape préliminaire de cette réforme. Nous souhaitons tous que cette réforme soit un grand succès car elle aura des répercussions positives sur d’autres aspects de l’économie nationale, tels que les rentrées en devises étrangères, la protection de l’environnement, le développement rural ainsi que l’emploi. Elle permettra également d’optimiser les opportunités à saisir pour impacter positivement la production énergétique, notamment à travers la biomasse.

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